[ Unspoken Desire ] Libre

4h18
Un râle profond. Quelques bruits de coups. Des ombres qui se dessinent. Une forte odeur de sueur. Un matin comme un autre dans la chambre du jeune Dylan. La porte entrouverte laisse apercevoir un jeune garçon frêle au corps tremblant. De si bon matin, ce dernier s'affaire a son 'travail'. Ses mains inconsciemment guidées sur ce mur anciennement blanc, il est en sueur. Des heures d'effort, des heures de pur plaisir. De larges traits, courbés, anglés se dessinent lentement, rapidement. Toute la liberté de Neverland est exprimée en quelques coups de craie. Un feuillage. Du bois. Semblable a une forêt. Celle ci se dessine. Une impression d'étouffement. Forêt opressante. Elle engloutit glouteusement la lumière de la pièce. Le jeune schyzophrène est en transe. Il n'en peut plus, il est a bout. Mais il continue. Sans lâcher son petit morceau de craie. Couvert d'un mélange de suie et de sueur, il trace, il trace, sans se soucier de ce qui l'entoure.
Voilà bientôt cinq heures que le garçon s'affaire sur cette dense forêt. Cinq heures d'interminables râles de plaisir.. Cinq heures de pur orgasme. Neverland dans la rétine, Dylan se sent vaciller. Des ailes imaginaires se mettent à lui arracher la peau du dos, voulant par tous les moyens s'extirper de son corps. Le jeune homme se cambre. Un cri. Il vole. Son oeil lui pique.

Soudain, il est dans cette forêt, marchant à l'aveuglette, les bras tendus le long du corps, se balançant au rythme lent de ses pas. Il a toute confiance. Il ne sait pas où il se trouve mais il a confiance. Il se sent en sécurité. Comme si la forêt l'entourait de ses bras protecteurs, le protégeant de tous dangers. Il sent ces branches le retenant parmis eux, faisant tout pour ne pas qu'il s'en aille. De petits bruits parviennent a ses oreilles.. Vraisemblablement des êtres vivants. Des animaux surement ? Dylan tend machinalement l'oreille. Il veut trouver la source de ce bruit si doucereux. Un pas, deux pas, il s'éloigne petits a petits du sentier de terre. La profonde forêt le domine. Petit humain entre grandes plantes. Les petits bruits se rapprochent de plus en plus. Ce ne sont finalement pas des animaux. On dirait une sorte de plainte, d'appel. Et c'est Dylan lui même qui est appelé. Un sourire s'étend presque machinalement aux coins de ses lèvres. Il sait ce qui l'attend au bout de ce chemin. Il sait toujours ce qui l'attend à Neverland. Il a toujours su ce qui l'attendait dans cette forêt.
' Dylan... ' La voix si fluette de ce qui semble être un jeune garçon continue de résonner au travers de ces arbres inquiétants. ' Dylan... ' Continue de l'appeler cette petite voix. ' Dylan... ' répète-t-elle sans cesse a l'attention de ce brun en marche. Elle souffre. La voix. La personne. Ce n'est que souffrance. 'S'il te plaît Dylan... ' Un écho. 'Arrête ' Ce dernier mot se répète. Il résonne inlassablement dans le crane du jeune malade. Ce dernier reste impassible. Aucune sorte d'expression ne vient troubler les fins traits de son visage. Il semble déterminer a avancer, se foutant presque de tout ce qui peut l'entourer. Il cherche juste ce bruit. Il continue son avancée, attendant impatiemment le moment des retrouvailles. Un soupir poussé. Un dernier écho. Un dernier buisson enjambé.
Chris se trouve là. 10 ans, de longs cheveux bruns bouclés. Quelques taches de rousseurs. Appuyé contre un arbre, il semble paralysé. Sur son cou, de larges traces. Des mains. Oui, ce sont des mains invisibles enserrant brutalement le frêle cou du petit garçon. Elles serrent encore et encore, le plus fort, le plus intensement qu'elles le peuvent. Les yeux du jeune Chris semblent prêts a sortir de leur orbite. C'est trop fort pour lui. Il n'en peut plus. Il a mal. Sa respiration se coupe soudainement, sans qu'il ne s'y attende. Il n'arrive plus a articuler un seul ' Arrête... '. Dylan, devant ce spectacle, se contente de sourire encore et encore. Il est léger, il se sent presque voler, libéré. La même sensation que lorsque c'était ses mains qui se trouvaient sur ce cou le traverse. Son meilleur ami. Il s'imagine assassinant son meilleur ami, l'asphyxiant.

Puis, tout d'un coup, tout s'arrête. Plus de Neverland. Plus d'égorgé. Plus de forêt. Juste une chambre, celle de Dylan. Juste ces murs couverts de gribouillages. Le jeune garçon resta fixer son oeuvre quelques instants. Ce qui venait de se dérouler dans sa transe se retrouvait désormais retranscrit sur le mur. Couvert de craie, Dylan se laissa tomber en arrière, dans l'amas de feuilles, de crayons récemment utilisés. Il soupira. Sa crise avait pris fin.